Parle-moi de ton personnage. Ce qu'il ressent actuellement, comment il est maintenant. Raconte-moi des anecdotes, ses peines d'amour, ses réussites, ses échecs...

Le but est-il de parler de soi? Il semblerait, alors je vais vous confiez quelques petites choses à mon sujet. Mais seulement quelques-unes... Je suis née à Palerme en Sicile, alors que Tessa ma frangine est née au Brésil. Le truc en fait c'est que ma famille a toujours eu un pied dans les deux pays. Maman était une brésilienne au sang chaud ayant très vite plu à mon paternel sicilien. Il était venu avec son père.présent en ville pour affaires. Ce fut le coup de foudre immédiat. Le coup de foudre, j'ai toujours trouvé cette expression exagérée, trop imagée. Imaginer que votre cœur se prenne de plein fouet la foudre. Il serait grillé en quelques secondes, il cesserait de battre. Il serait mort. C'est peut-être cela oui le coup de foudre, un avertissement! Deux êtres liés si étroitement, l'un étant l'électrochoc maintenant le cœur de l'autre à flot. Quand l'un vient à partir, le cœur de l'autre cesse de battre. On devient terne. Méfiez vous des jeux de l'amour, ils vous coûtent toujours très cher.

Je me souviendrai toujours des étés équatoriaux passé au Brésil. C'est là-bas qu'est née ma passion pour la plongée sous-marine, nager, l'eau, je ne pourrais m'en passer. Sans tout cela, je me sens dénudée à fleur de peau. Implantée définitivement en Sicile, je n'ai guère été dépaysée. Nous retournons toujours là-bas... Le temps des vacances. Attachés aux traditions, à la correction et à la bonne tenue des " Di Marzio", il ne fait parfois pas bon jouer la rébellion, notre patriarche règne sur la famille d'une poigne de fer.

Notre famille ayant une renommée médiatisée en Sicile et pour cause de l'appartenance de mon paternel à la Cosa Nostra, nos moindres faits et gestes sont "épiés", l'image de marque doit être maintenue à tout prix étant donné le travail qu'il fait dans l'ombre. Politicien adulé par une partie et récriminé par une autre et mafieux notable. Je me suis donc épanchée dans mes études, ma passion et le petit boulot effectué bénévolement pendant l'été pour faire le moins de vagues possible. Nous n'avons pas besoin de travailler, me dit-il toujours. Non c'est vrai, mais pour moi c'est un besoin. Je donne donc des leçons de plongée sous-marine pendant mes heures perdues. Là-bas en Sicile, je m'occupais d'un petit groupe d'adolescents plus démunis leur dispensant des cours gratuits. Cet acte passe mieux aux yeux des médias selon mon patriarche, cela ne m'étonne même pas. Tout ce qui compte pour lui c'est l'image... Ma vie tout simplement, même si elle n'était pas des plus "libre" n'a pas été morose. Des gardes du corps vous accompagnant presque partout. Combien de fois ma petite sœur et moi n'avons nous pas joué de tous les subterfuges et les supercheries pour nous défaire d'eux? Et puis... Et puis les choses se sont gâtées. Je suis ici, là où je n'aurai jamais du être.


Sicile, 2009.

Dans les rues de Palerme. Deux jeunes filles courraient et riaient comme des folles. Nous venons une énième fois de ruser et de fausser compagnie aux deux gardes du corps qui nous étaient assignés. Faire les boutiques, draguer, rigoler avec deux chiens de garde derrière nos fesses, ça nous rebutait plus que jamais... Là au moins, nous allions en profiter pleinement. Oui mais pas pour longtemps... Nous avions repris un taxi ce soir-là, les bras chargés de paquets. Non contentes de notre journée, nous venions à peine de franchir le seuil de notre demeure quand il nous tomba dessus. Ce souvenir me laisse toujours l'impression d'une tempête, d'un ouragan incommensurable. Je ne l'avais jamais vu en colère à ce point-là. Sa voix résonna dans le salon, comme dans une caverne propageant l'écho.

Gia... Gia Irina Di Marzio, vient ici immédiatement! tonna-t'-il de sa voix de ténor. Si j'avais été un petit chaton, je crois que mes oreilles auraient pu se baisser sur ma tête. L'impression d'être prise en faute en flagrant délit de désobéissance. Pas d'échappatoire, j'aurai voulu m'encourir, prendre la fuite. Je fis un pas, un second et... Je me suis retrouvée les fesses sur le sol en marbre. Une gifle magistrale, assommante. Ma main se porta à ma joue douloureuse d'une lancinante chaleur. Sous le choc, bouche bée, me taisant comme un poisson dans son bocal.
Tu entraînes ta benjamine dans tes conneries, c'est à toi d'être l'exemple! hurla-t'-il. Je savais, j'aurai dû m'y attendre. Je savais que ça me retomberai sur le nez. La colère pourtant me sembla trop virulente. Je ne l'avais jamais vu dans cet état de colère intense. Tu ne te rends vraiment pas compte, tu es tellement naïve... Tessa monte dans ta chambre! Je me suis relevée, mon regard injecté de larmes. Naïve oui je suis naïve, je n'y comprends rien surtout. Mais il est où le putain de problème papa?! Oui il est où? répliquais-je.  "Sois polie."
Désolée, il est où le putain de problème, père! Ses épaules s'affaissèrent comme larguées de leur pression et il se mit à rire doucement avant d'aller prendre place au coin du feu. Je n'y comprenais rien. Les enfants ignorent bien souvent, les soucis auxquels font face leurs parents. Je n'eus jamais de réponse, mais je pu sentir que notre "échappée" ce jour-là, cachait une angoisse plus grande qu'un simple soucis de "comportement"...

Quelques temps plus tard, notre famille quittait Palerme pour Boston aux States. Rien que ça. Je n'eus pas le choix, je devais suivre. Son "boulot" de politicien prenait fin, celui de mafieux continuait mais, ailleurs. Ils sont partout après tout.